Apprendre dans un environnement sûr Recueil d’essais : En quoi les conflits et les situations d’urgence aggravent-ils la violence dans les écoles? Et que faut-il faire?
L’Ukraine, théâtre du dernier conflit armé en date, nous rappelle une fois de plus que les écoles ne sont pas sûres en temps de guerre et qu’elles peuvent même être la cible de violences. Entre le 17 février et le 3 mars 2022, plus de 20 attaques contre des infrastructures liées à l’éducation ont été signalées en Ukraine. Le Ministère de l’éducation rapporte en outre la destruction de 160 établissements éducatifs, toutes zones confondues, qu’elles soient contrôlées par le Gouvernement ou non.
L’Ukraine est l’un des nombreux pays en crise où les écoles et le secteur de l’éducation en général sont des cibles de guerre. Le nombre d’attaques ciblant les écoles dans les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale touchés par un conflit, à savoir le Burkina Faso, le Cameroun, le Mali, le Niger, le Nigéria et la République centrafricaine – où l’initiative Éducation sans délai alloue des fonds en faveur de l’éducation sur une base pluriannuelle – est passé de 303 à 802. Dans la seule région de Tillabery, au Niger, le conflit a multiplié les fermetures d’écoles, qui sont passées de 312 à 758 en 2021, privant au moins 72 000 jeunes filles et garçons d’un accès à l’éducation.
La violence qui sévit à proximité des écoles peut également avoir une incidence à long terme sur la capacité des enfants et de leurs enseignants à accéder aux établissements scolaires. À Boali, en République centrafricaine, les environs de l’école ont été parsemés de mines terrestres et d’autres engins explosifs improvisés. Le pays ne disposant pas des capacités de déminage nécessaires, les élèves sont dans l’impossibilité de retourner en classe.
D’innombrables établissements scolaires ont également été utilisés par les parties aux conflits armés comme bases, casernes ou centres de détention. L’utilisation de ces bâtiments scolaires par des hommes armés augmente le risque de dommages et de destruction lorsqu’ils sont pris pour cibles. Dans ces situations, les fournitures et équipements pédagogiques ou autres font trop souvent l’objet de pillages.
La violence et les conflits entraînent des déplacements forcés, ce qui affecte la scolarisation et l’apprentissage des enfants
et des jeunes déplacés et réfugiés, ainsi que les communautés d’accueil où s’installent les élèves et les enseignants déplacés ou réfugiés. Les filles vivant dans une situation d’urgence ou de crise prolongée sont particulièrement exposées, leur genre en faisant des cibles explicites. Certaines parties aux conflits prendraient ainsi pour cible les établissements scolaires précisément afin d’empêcher les filles d’avoir accès à l’éducation. En raison de la longue distance à parcourir pour accéder aux espaces d’apprentissage et des risques qui parsèment le trajet, de nombreuses familles ne scolarisent pas leurs filles, voire les marient, afin de réduire le risque de violence liée au genre au sein et aux abords des écoles. Dans d’autres contextes, les filles courent un risque accru d’être enlevées, soumises à un esclavage sexuel ou mariées de force, y compris avec des combattants. S’agissant des garçons, le risque de recrutement forcé comme combattants ou d’enlèvement pour servir de soutien dans les opérations militaires est assez élevé.
Les attaques contre les écoles ne font qu’aggraver le retard des systèmes éducatifs de ces pays fragiles et sinistrés, qui avaient déjà du mal à progresser vers la réalisation de l’objectif de développement durable no 4, consistant à garantir à tous une éducation inclusive, équitable et de qualité. Le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire a augmenté dans toutes les régions du monde sauf en Afrique subsaharienne, qui connaît plusieurs conflits. De même, 62 millions de filles à travers le monde ne bénéficient pas encore de la parité des genres, notamment en Afrique subsaharienne, en proie à la violence.
Les conflits et les situations d’urgence attisent la violence à l’égard, au sein et à proximité des écoles, ce qui affecte les filles de manière disproportionnée et exacerbe les problèmes structurels de systèmes éducatifs déjà fragiles. Chaque année, des millions de filles et de garçons touchés par des crises sont laissés de côté. Aujourd’hui, 222 millions d’enfants ont besoin d’un soutien éducatif. Ce chiffre cache une longue liste de violences visant les enfants et leurs enseignants. Nombre d’entre eux ont été menacés, harcelés, enlevés contre rançon ou tués simplement parce qu’ils se rendaient à leur école pour apprendre ou enseigner. Beaucoup portent également les cicatrices d’un traumatisme psychologique longtemps après.
Ce sont les enfants et les jeunes qui survivent dans les environnements les plus dangereux de la planète, et qui sont privés d’accès à un apprentissage sûr, auxquels nous devons venir en aide en priorité. Les investissements doivent se concentrer sur la poursuite de l’éducation pendant les conflits ; la réhabilitation des écoles ; l’élimination des mines antipersonnel et des munitions non explosées au sein et aux abords des écoles ; l’inclusion des enfants et des jeunes touchés par des crises ; la formation des enseignants et la pédagogie positive ; les programmes de santé mentale et de soutien psychosocial ; les interventions communautaires en faveur de l’égalité des genres et de l’autonomisation des filles ; et l’aide à la protection des victimes d’écoles peu sûres. Le respect à l’égard des établissements scolaires est inscrit dans le droit international humanitaire et dans la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Cependant, nous devons également garantir une protection physique sur le terrain, sans quoi, des millions de personnes vivront dans la peur plutôt que dans l’espoir. Cette situation est inacceptable au XXIe siècle.